L'histoire du Hoggar

 

Les habitants du Hoggar

L’histoire du Hoggar et de ses habitants, les Touareg, n’a été qu’une suite ininterrompue de luttes contre les différents envahisseurs depuis les temps les plus reculés. Les Touareg, à l’instar des autres habitants du Maghreb, sont de coutume orale, ne possédant que peu ou pas d’écrits. Il est donc très difficile de retracer une histoire dans les dires des habitants, de discerner ce qui est historique de ce qui est pure légende, et surtout de situer, même approximativement, les événements dans le temps et l’espace. Les sources seront donc, pour essayer de cerner la vérité, de trois ordres :

1 - Les récits des habitants, presque tous légendaires, mais ayant une importance capitale, du fait qu’ils situent l’origine de ces derniers.

2 - Les peintures rupestres, gravures qui demandent à être interprétées.

3 - Les recoupements que l’on peut faire des différentes histoires, légendes et récits, et enfin, les recueils de voyageurs, principalement ceux des Egyptiens, des Grecs, des Romains et des Arabes.

Ces trois sources de renseignements doivent être interprétées et les conclusions des spécialistes qui les ont utilisées sont complètement divergentes. Aussi, nous nous bornerons à signaler les opinions les plus plausibles et les plus couramment admises.

Il est certain, et cela a été prouvé de façon irréfutable, que le Sahara entier a été habité aux temps préhistoriques ; les vestiges des ères de la pierre taillée ou polie, ainsi que les peintures rupestres que nous retrouvons partout en témoignent. Il est cependant assez difficile de tirer des conclusions précises d’un tel matériau, d’abord en raison de sa rareté, pour ne pas dire de l’absence totale de restes humains et, qui plus est, du manque de stratifications et d’alluvionnement qui auraient permis de situer l’âge des différentes industries les unes par rapport aux autres.

On en est donc réduits à de simples hypothèses, à des recoupements et des rapprochements chronologiques avec des régions connues. De très nombreuses et magnifiques peintures et gravures rupestres sur les rochers, le plus souvent dans des grottes où la température est constante, se trouvent dans le Hoggar en particulier, et à travers le Sahara en général. Sur le plan artistique, ces gravures rupestres sont de valeur très différente ; sur le plan scientifique, elles apportent les seuls éléments susceptibles de donner une date aux époques représentées.

Le plus ancien squelette retrouvé au Sahara est celui de d’Asselar. Ce squelette fut étudié et on lui trouva des caractères négroïdes ; il date probablement du paléolithique supérieur. D’autres ossements, assez rares, qui appartiennent à des individus de race noire, ont été retrouvés. Par contre, dans les tombes d’époques plus récentes (début de l’ère chrétienne) les types dolichocéphales semblent dominer, tandis que plus tard, à partir du IIIe siècle, il s’établit un équilibre relatif entre les deux races. Les types figurant sur les différentes peintures rupestres sont identifiables et appartiennent à la race blanche.

Nous constatons donc que le problème des origines des populations sahariennes est une véritable tablature.

Dans certaines reproductions anciennes, on a cru reconnaître des Libyens, dont la tenue et la morphologie ressemblent étrangement à certaines peintures rupestres ; puis on retrouve plus tard des coiffures qui rappellent les nattes des Touareg. Il est évident qu’il existe une ressemblance certaine entre ce qui est représenté en Libye et ce que nous retrouvons dans les peintures rupestres du Hoggar. Il y a donc corrélation entre les Libyens de cette époque et les Touareg actuels, mais il est pratiquement impossible de préciser s’il s’agit d’héritage culturel ou de domination par invasion.

Avec les Grecs, nous entrons dans une phase où l’histoire est traitée rationnellement. Nous y trouvons une recherche méthodique du renseignement, un souci de vérité géographique et historique. Hérodote, le père de l’histoire, énumère les tribus de la Libye : les Garamantes, les Atarantes, les Atlantes, que certains identifient respectivement aux habitants de Djarras, de l’Adrar et du Hoggar.

Par la suite, Platon et d’autres n’ont fait que reprendre la version d’Hérodote, sans rien y apporter de nouveau. Le Romain Pline nous apporte très peu de renseignements ; quelques noms de peuplades, qu’il faut interpréter, mais il est certain qu’il a compilé les auteurs grecs. Il a été ailleurs prouvé que le général romain Cornelius Balbus a fait au moins une expédition saharienne ; il aurait même atteint le fleuve Niger en passant par Gadamès, Zaouia (Fort Polignac) et Abalessa.

Ptolémée, au IIe siècle après J.-C., donne une description plus précise du pays, ou du moins une esquisse que l’on peut à la rigueur faire coïncider avec le pays. Il cite des noms déjà connus de tribus, mais aussi des noms nouveaux, dont certains sont semblables aux noms de tribus actuelles.

Les historiens et surtout les géographes arabes nous apportent de nouveaux et précieux renseignements sur le pays et citent de plus en plus de noms géographiques et de noms de tribus en les situant dans les régions qu’elles occupent dans le Sahara.

Le premier en date est Ibn-Hankal qui écrivit, un peu avant l’an 1000 de l’ère chrétienne, puis El-Idrissi, et enfin le plus prestigieux des géographes et voyageurs arabes, Ibn Batouta, qui parle de l’Ahaggar, tribu autochtone, portant sur la figure le "litham" ou voile. D’autres n’ont fait que reprendre les descriptions du grand géographe arabe, tels Ibn-Khaldoun, Léon l’Africain, etc. Progressivement, l’histoire du Hoggar émerge de la légende pour déboucher dans le domaine historique vérifiable par recoupements, surtout avec ce que l’on sait des peuplades voisines.

Dans les périodes éloignées, les faits historiques étaient encore entremêlés avec les légendes. Mais à partir de 1750, nous commençons à avoir une idée plus précise et plus conforme à la réalité historique, bien qu’elle ne soit pas encore tout à fait juste.

Il est possible, sans trop de lacunes et d’erreurs, de revenir aux environs de 1680, où le sultan tyrannique Gomma, voyant son royaume menacé par un soulèvement général, le partagea entre ses filles en autant de fiefs héréditaires, afin d’éviter l’intrusion d’étrangers. Ses filles ne devaient épouser que des Cheurfas nobles, ainsi que leurs descendantes. Telle serait la coutume matriarcale du pouvoir et de l’héritage dans le Hoggar et chez les Touareg. Le sultan Gomma fut assassiné par un aventurier du nom de Besca, de la tribu des Araren du Niger, qui s’empara du pouvoir et s’installa à Djanet.

Au début du XVIe siècle, un guerrier de la tribu des Kel Ahaggar, du nom de Salah, prend le pouvoir, élimine tous ses adversaires et s’empare du titre d’Amenokal. A sa mort, son fils, Ag Mohamed El-Kheïr, lui succède et écrase, à la suite d’une bataille mémorable, la tribu des Imenanes qui se réfugie définitivement dans le Tassili des Adjers.

De cette époque date la répartition des terrains de parcours des Imrads (tribus vassales) qui était encore valable avant 1962. En 1750, Kella, arrière petite-fille de Takenhadt, épouse le fils de l’Amenokal Malek et donne droit au "tobol" (insigne de l’autorité dans le Hoggar) à sa descendance, qui écarte impitoyablement, dans des circonstances restées obscures, les autres branches ascendantes dont la postérité avait droit à l’héritage.

Les dix filles et fils de Kella seront le point de départ de l’arbre généalogique des Touareg actuel. Leurs affrontements et leurs dissensions ont été à l’origine du Hoggar les Kel Rela ; les Taïtok, qui bien qu’issus de la même branche et alliés par de nombreux mariages, ont eu des affrontements fratricides à partir de 1902, permettant ainsi la pénétration coloniale française dans tout le Sahara algérien.

 

Chenouf Ahmed Boudi

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Sources :

1 – Hérodote : Les histoires.

2 – Pline l’Ancien : Histoire naturelle.

3 – Ibn Batouta : Récits de voyages.

4 – El-Idrissi : Connaissances géographiques.

5 – Ibn-Khaldoun : Les Prolégomènes.

6 – St Gsell : La Tripolitaine et le Sahara.

7 – G. Mercier : Histoire de l’Afrique septentrionale