ALGERIE TOURISME

 

Alger la blanche, la belle endormie, s’éveille

 

Alger la blanche ? La baie d’Alger ? Où sont passées les cartes postales? Dans le port, une cinquantaine de bateaux gigantesques empêchent d’admirer la Grande bleue. Un ballet incessant de grues. Des travaux à perte de vue. La belle assoupie s’est réveillée. Des milliers d’ouvriers chinois construisent une "ville nouvelle", des routes, des stades. Le jour, et bien souvent la nuit. Quantité de logements ont surgi ces dernières années. "En dix ans de pouvoir, le président Abdelaziz Bouteflika beaucoup investi dans la ville", reconnaît l’écrivain algérien Akram Belkaid, qui regrette toutefois qu’il y ait de moins en moins d’harmonie architecturale : "La législation en matière de construction est rarement respectée. Chacun fait un peu ce qu’il veut." Du coup, les plages ne sont pas des plus agréables. "Nous préférons quitter Alger. Nous rendre à une trentaine de kilomètres. Là, il y a des plages vraiment superbes", souligne le romancier Chawki Amari. Alger, reconnaît-il, est fatigante. "Il y a des embouteillages terribles." "Bien pire qu’à Paris, ajoute Akram Belkaïd. Car de plus en plus de gens possèdent une voiture et les transports en commun sont pratiquement inexistants." La construction récente de bretelles d’autoroutes et de souterrains n’a guère amélioré la situation. Les Algérois comptent beaucoup sur le métro. "Cela fait trente ans qu’on nous le promet. Mais cette fois- ci, la première ligne, qui traversera Alger du nord au sud, va voir le jour avant la fin de l’année", affirme Akram Belkaid

Le caractère chaotique d’Alger fait aussi son charme. La casbah vaut toujours le coup d’œil, même si elle a perdu de son lustre. C’est l’une des plus vastes du Maghreb. Le quartier Bab el Oued, où vivaient autrefois beaucoup d’Européens, conserve aussi son cachet. De plus en plus de pieds-noirs y reviennent d’ailleurs en vacances pour revoir la maison où ils ont vécu. Certains Algériens essaient de développer cette forme de tourisme appelé "identitaire", qui est encore embryonnaire. Il est vrai que la peur du terrorisme est toujours présente. Des détecteurs de métaux sont installés à l’entrée des hôtels, qui sont protégés par d’imposants plots pour empêcher les véhicules de se garer, par crainte de l’attentat. Même si, depuis plusieurs années, la plupart des attaques frappent essentiellement à l’extérieur de la capitale.

Dans la casbah, des jeunes se baladent avec des maillots de foot floqués avec le n° 10 de Zidane et parlent des matchs du champion de France qu’ils viennent de voir et revoir sur les écrans des bars. Le visiteur a l’impression d’être à Marseille… juste avant de croiser un car rempli de femmes voilées. À la vue d’un étranger, elles tirent les rideaux pour éviter tout contact. Même visuel.

À quelques centaines de mètres de là, des jeunes pique-niquent à deux pas du Monument des martyrs. Architecture massive de style soviétique qui domine la ville. Juste derrière le bloc de béton qui semble défier le ciel, un chemin de douanier offre une vue somptueuse sur la baie d’Alger, celle qui était autrefois le refuge de corsaires écumant la Méditerranée. Depuis ces hauteurs, les jeunes en goguette aperçoivent des hôtels en bord de mer. Des "joyaux" inaccessibles au plus grand nombre. Même si le Sheraton, installé sur la baie, a proposé une offre spéciale cet été, le tarif pour accéder à sa plage et à sa piscine, en juillet et août, coûtait tout de même 3 000 €… Dans la capitale algérienne, la vie coûte cher. Alger n’est pas le lieu le plus adapté pour une longue escale touristique. C’est davantage une rapide étape avant de prendre la route pour le Grand Sud, le Sahara. Même si l’ancienne cité des corsaires, Alger la turbulente, vaut vraiment le coup d’œil.

 

Pierre Cherruau. Le 01.10.09. Le Monde.

 

Pratique:


Vols quotidiens entre Paris et Alger (2 heures de vol), avec notamment Air France, Air Algérie ou Aigle Azur. À partir de 300 € hors vacances scolaires. De nombreux Algériens de France se rendent chaque été dans leur pays d’origine en prenant un ferry à Marseille. Un mode de déplacement agréable. Mais il faut compter près de 18 heures.